Deaf Preachers : la bonne parole aux accents garage9 minutes de lecture

Six mois après qu’on se soit passé un peu de psyché suédois avec MaidaVale, il s’agirait de dépoussiérer un peu le jukebox de Ketchup-Mayo. Car ici, on est un peu comme ça, old school et tout, on a un jukebox. Du coup, je sors mon sou de ma poche, l’insère dans la machine et pour finir de se mettre bien, on va se passer les sons d’un groupe parisien : les Deaf Preachers.

Un peu d’histoire pour commencer, comme toujours. Les Deaf Preachers, c’est un quatuor fondé il y a 12 ans maintenant, quelque part dans Paname, mais sous un autre nom. C’est en effet sous l’appellation de The Bagros que les garçons ont commencé leur carrière musicale. Mais passons, le plus intéressant reste à venir.

Les Deaf Preachers sur la scène de La Féline en 2017.

Fondé en 2006, le groupe s’est vite taillé une solide réputation sur la scène parisienne : énergiques, énervés, chauds, brûlants même, les boys donnent l’impression d’avoir trouvé et séduit leur public à une vitesse assez folle. Ces boys d’ailleurs, ils sont quatre à l’origine : Ben au chant et à la guitare, Franz à la basse, Ludo également à la guitare et Lény derrière la batterie.
Renommée Deaf Preachers, la formation enchaîne les concerts et finit par pondre, en 2008, un tout premier EP intitulé Back in Town. Sur la galette, quatre titres censés introduire le son des Preachers aux néophytes tel que j’ai pu l’être il y a peu encore. Les quatre morceaux en tous cas emballent direct, sans aucun souci. Et même si Back in Town ne figurera pas parmi les plus marquants ou novateurs des EP de l’époque, resteront en mémoire des titres très sympathiques, idéaux pour présenter l’esprit du groupe. A titre personnel, je pense que N.M.E constitue la meilleure partie de cet EP fondateur.

L’esprit des Deaf Preachers d’ailleurs semble forgé autour d’influences fortes et indéniables. A cette époque où les années 2000 entrent dans leurs seconde moitié, on ne peut que sentir la façon dont les Preachers ont puisé dans les standards garage d’alors. Les White Stripes, les Hives, les Strokes et d’autres semblent en effet former le solide socle sur lequel les parisiens ont construit leur musique. Mais à cela s’ajoute autre chose, une deuxième couche faite de références plus anciennes, des Stooges aux Ramones. Mêlant ainsi garage et punk, les Deaf Preachers livrent un son résolument rock, rapide et dynamique au son duquel on ne peut que remuer son petit cul et battre la mesure du pied (ou des deux même, allez).

Get Deaf or Die Tryin’, deuxième EP du groupe.

Mais c’est clairement en 2010 que les Preachers dévoilent leur plein potentiel. Deux ans après leur premier bébé, le groupe sort en effet Get Deaf of Die Tryin’, deuxième EP composé de trois nouveaux morceaux et dont le titre semble judicieusement adapté. Car dans ce nouvel opus, les garçons n’ont qu’un objectif : vous en mettre plein les oreilles, à fond les ballons. « Tout à fond. Le rock c’est tout à fond !« , entendait-on en ouverture de l’album Les Wampas vous Aiment en 1990. 20 ans après, voilà un groupe qui semble bien déterminé à appliquer l’adage du mieux qu’il peut. Et si You Really Got It est là pour nous en convaincre d’entrée de jeu, c’est clairement la chanson Deaf Preachers qui va tâcher d’imposer cette vision. Vive, déployant une énergie remarquable, la chanson qui partage son titre avec le nom du groupe est un incontournable morceau des Preachers. Mieux encore, c’est devenu leur premier hymne, scandé par le public à s’en arracher le larynx en live.

 

Pas mal de concerts derrière eux, deux EP tout ce qu’il y a de plus honorables sur le CV, les Deaf Preachers ont su, en l’espace de quatre ans, imposer leur patte et trouver leur public. Ce dernier d’ailleurs ne manque jamais de répondre présent dès que les Preachers passent quelque part. Il faut dire aussi que si leurs productions studio sont de qualité, c’est clairement en concert que le groupe vaut le plus le coup. Un live des Deaf Preachers, c’est un grand défouloir où les garçons mettent l’intégralité de leur énergie dans le set (et même sans doute un peu plus), emportant avec eux un public électrisé et finalement aussi électrisant que la musique qu’il est venu écouter. Les Deaf Preachers ne lésinent pas en concert, faisant fi des voisins. On se souviendra, je pense, de leur ultime passage à La Féline avant la fermeture de cet illustre antre du rock’n’roll parisien : les garçons y avaient déployé tout ce qu’ils pouvaient pour accompagner le fameux bar à concert vers sa fin, quitte à faire enrager les voisins une dernière fois. La salle s’était vite transformée en un sauna vibrant du sol au plafond où la chaleur au sens propre s’ajoutait à celle des riffs balancés ce soir-là. Et les Deaf Preachers, c’est ça à chaque fois !

Mais pour le groupe, le meilleur restait alors encore à venir. Et voilà qu’en 2012 paraît Join the Deaf Club, leur premier véritable album financé avec un indécent succès via Ulule (166 % de l’objectif, rien que ça). Après leurs deux premiers EP, cet album semble n’être ni plus ni moins que la suite logique.

Une pépite !

Et là où Get Deaf or Die Tryin’ amenait aux auditeurs un son plus travaillé qu’auparavant, avec des compositions plus précises et mieux arrangées, Join the Deaf Club va encore un peu plus loin. Toujours plus fignolé, cet album offre des sonorités impeccables qui, malgré la plus grande attention évidente apportée au résultat final, ne renient à aucun moment les racines garage des débuts.  Bien au contraire, Join the Deaf Club s’emploie à libérer autant que possible la si communicative énergie de ce genre, se posant alors en un album puissant, dynamique et dynamisant. Aucun temps mort ne viendra ainsi rompre le rythme effréné de cet album dont sortent d’ailleurs quelques pièces maîtresses comme Why Try?, Once Again, Dance Baby Dance ou encore Away From Me.

Mais c’est sans aucun doute avec Don’t Burn My Face, le single associé à cet opus, que les Deaf Preachers apportent leur meilleure chanson. Autre véritable hymne de concert après Deaf Preachers, ce morceau est clairement leur plus belle pièce. C’est ici que se mêlent le mieux les influences 2000 et 70’s du groupe, libérant un riff implacable, au rythme soutenu et avec un chant qui, comme dans le reste de l’album, envoie à pleins poumons.

On emploie souvent à tort et à travers l’expression « album de la maturité » et ce genre de conneries mais, pour être honnête, c’est clairement adéquat pour cet album.
Avec Join the Deaf Club, les Preachers semblent avoir trouvé leur terrain de jeu idéal, là où non seulement leurs influences mais aussi leurs talents respectifs s’expriment le mieux. Sans doute leur sortie la plus proche de ce que le groupe a à proposer sur scène, cet album se laisse écouter sans discontinuer, que ce soit encore une fois pour le chant de Ben, pour le rythme lourd et puissant apporté par Lény ou pour les guitares rageuses, franches et brutes qui donnent aux Deaf Preachers cette sonorité à la fois crade et si bien brossée. Ces garçons ne sont pas là pour tourner en rond. L’album, lui, pourrait bien tourner en boucle une fois que vous l’aurez écouté une première fois.

Les Deaf Preachers sont de ces groupes qu’il faut absolument voir en live pour en saisir toute l’essence.

La suite, c’est un groupe qui tourne encore et encore, allant prêcher la bonne parole non seulement en France mais aussi en Europe, se taillant une place de plus en plus importante dans le paysage rock/garage actuel. C’est aussi un nouveau bassiste, Norman, qui rejoint le groupe en 2015 après une première et éphémère incursion au sein de la formation en 2010. Norman qui, en 2013, prêtais son minois à la pochette d’un nouvel EP sobrement intitulé…Norman.
Trois nouveaux titres étaient alors présentés sur cette galette certes moins enragée que ses prédécesseurs mais dont on retiendra tout de même la chanson Get Around, qui semble pleinement conserver l’esprit originel de la formation. Plus posés, un chouïa moins électrisants, mais néanmoins de qualité, les deux autres morceaux semblent surtout affirmer la volonté plus que louable du groupe de ne pas s’enliser trop vite, quitte à faire des propositions qui changent un peu, qui bousculent les habitudes.

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Voilà, les Deaf Preachers, c’est ça. Un groupe chaud, revigorant, sans cesse prompt à balancer ses riffs dans ta face et à te faire transpirer autant que possible. Impossible de rester inerte face à ce flot de décibels que les Preachers envoient à toute allure. C’est un rock garage précis et brut qu’ils livrent à chaque fois, en studio comme sur scène, sans se prendre la tête mais toujours avec le souci de bien faire, d’emmener le public avec eux et de décrasser les cages à miel. Amen.

Pour écouter les Deaf Preachers : Bandcamp
Pour retrouver les infos et dates de tournée : Facebook

 

1 commentaire sur “Deaf Preachers : la bonne parole aux accents garage9 minutes de lecture

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