Les frères Sisters – Jacques Audiard

Les frères Sisters – Jacques Audiard

S’il y a un genre qui conserve mon affection malgré le passage du temps, c’est bien celui du western. Qu’on soit chez Ford ou chez Leone, avec John Wayne, Kevin Costner, Yul Brynner ou Clint Eastwood, c’est toujours un grand moment d’évasion pour moi.

Malheureusement, on sait tous que les westerns n’ont plus le vent en poupe depuis des décennies désormais, alors quand il en sort un, il suscite par défaut mon intérêt.

La réalisation, adaptée d’un livre de Patrick deWitt, dont nous allons parler aujourd’hui, avec Jacques Audiard aux commandes, avait de quoi titiller la curiosité. Outre son réalisateur, on nous sert un casting assez éclectique mais qui a su faire ses preuves : John C. Reilly et Joaquin Phoenix campent les rôles titres et sont rejoints par Jake Gyllenhaal (dont je n’ai encore pas réussi à orthographier le nom sans aller voir sur le net d’abord) et Riz Ahmed qui a toute mon affection depuis Rogue One.

Le film se concentre surtout sur Charlie et Eli Sisters, acteurs de toutes les basses besognes (tournant principalement autour des assassinats sans autre forme de diplomatie que le temps nécessaire au rechargement d’un barillet) pour le Commodore (Rutger Hauer, caméo de luxe). Une subtilité s’installe rapidement : si Charlie (Phoenix) se complaît dans cette vie simple faite de violence et d’excès en tout genre (le mec est bourré 50% du film ou pas loin), Eli (Reilly) est beaucoup plus sensible et se rêve en homme rangé, aspirant à une vie plus raffinée. La différence apparaît très tôt dans le film quand l’un veut sauver des chevaux d’une grange en feu alors que l’autre s’en tamponne le coquillard.

On fait plus tard la connaissance de John Morris (Gyllenhaal) détective érudit, aussi aux ordres du Commodore, chargé de traquer Hermann Kermit Warm (Ahmed), chimiste de son état, puis de le livrer aux frères Sisters pour un interrogatoire en bonnes et dues règles (et avec diplomatie).

Le film nous fait parcourir quelques lieues, on campe avec les uns, en mangeant à la cuillère dans des écuelles en ferraille (un cliché que j’affectionne), on s’isole avec les autres, les étapes en ville sont l’occasion pour les frères Sisters de jouer du six-coups, laissant ça et là cadavres et bouteilles brisées comme autant de vie, mais on ne s’attarde pas, la plupart n’ont pas de nom ou si peu de paroles qu’ils ne sont qu’un léger contretemps. Principaux atouts d’Audiard dans sa façon de filmer : l’ambiance sonore. La musique d’Alexandre Desplat est au poil, mais son absence lors des affrontements rend les choses d’autant plus brutales que les détonations des revolvers sont particulièrement bruyantes, pour ne pas dire dérangeantes. La scène d’ouverture est en cela d’une violence particulière puisqu’elle ne montre pas grand-chose de frontal, mais est ponctuée par les bruits des armes à feux volontairement rehaussés.

En plus du son, l’image est superbe, les décors, tous européens, donnent envie de se perdre en pleine nature (même si, visiblement, les araignées et les ours risqueraient de me poser problème). Un cadre bien choisi pour une aventure tendue, impeccablement portée par un quatuor majoritairement convaincant (Gyllenhaal peut-être un peu en retrait par rapport aux autres), surtout Reilly dont j’avais oublié le potentiel dramatique pourtant bien réel (Magnolia est là pour en témoigner).

Au rang des faiblesses, j’aurais tendance à pointer du doigt un dernier quart de film assez frustrant dans son déroulé comme dans sa morale et un message peut-être un peu trop cliché, représenté par la formule chimique d’Hermann. A titre plus personnel, je suis aussi plus friand des westerns aventureux, qui offrent de s’attacher aux personnages. Ici, on reste bien distant des uns, on éprouve de la pitié pour d’autres, mais à aucun moment le film ne se montre suffisamment accessible pour en donner plus. Après, ce n’est pas le but, et c’est de l’ordre du détail ; il restera par conséquent un film solide aux bons acteurs, et il faut quand même avouer que ça fait du bien de revenir à un cinéma plus artisanal et sans fonds verts.

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