La Servante Écarlate : quand les femmes sont dans le rouge

La Servante Écarlate : quand les femmes sont dans le rouge

Gilead était un pays libre il y a quelques années. Un pays où hommes et femmes vivaient dans l’insouciance. Ils n’imaginaient pas que leurs droits, qui leur semblaient acquis, leur seraient bientôt retirés au profit d’un prétendu bien commun.

Puis le taux de natalité est devenu critique : contraception facilement accessible (trop facilement, estiment les dirigeants du régime), niveaux de pollution si élevés qu’ils ont rendu les femmes infertiles (seulement les femmes, précisent ces mêmes dirigeants)… Il a fallu prendre des mesures draconiennes. Réserver cette ressource rare qu’est devenu l’enfant aux couples légitimes et plus à même de les élever dans de bonnes conditions : mariés, pieux et surtout, riches.
La société a dû être réorganisées et les femmes, causes de tous les maux mais aussi seules planches de salut, ont été divisées en castes : les Épouses, des femmes puissantes mais stériles, mariées aux riches « Commandants », les Marthas, leurs domestiques, les Éconofemmes, épouses d’hommes pauvres, les Anti-femmes, militantes féministes dont l’espérance de vie a drastiquement baissé avec la mise en place du nouveau régime… Mais la pierre angulaire de ce système miraculeux, ce sont ces jeunes femmes vêtues de rouge : les Servantes.

Formées par les Tantes, sous la surveillance intransigeante des Yeux, elles remplissent le rôle de reproduction que la majorité des femmes ne peuvent plus assumer. Placées chez des Épouses et soumises à des « cérémonies », des relations sexuelles régulières avec le Maître de Maison, leur vie est réduite à un unique objectif : offrir à leurs hôtes un beau poupon en bonne santé.

La Servante n’existe plus en tant que femme, ni même en tant qu’être humain. Elle ne vit que pour remplir son devoir, en tâchant d’oublier ce que sa vie aurait pu être… dans ce pays appelé « États-Unis » il n’y a encore pas si longtemps.

Mémoires d’une femme d’hier, d’aujourd’hui, de demain

Vous l’aurez compris, La Servante Écarlate (The Handmaid’s Tale) est une dystopie… et souhaitons qu’elle le reste. Écrit par Margaret Atwood et publié en 1985, ce roman a été adapté en film en 1990 puis en série télévisée en 2017 (sur OCS en France).

Le roman nous livre le témoignage de Defred, l’une de ces Servantes. « Defred » n’est pas son vrai nom ; les Reproductrices se le voient retirer lorsqu’elles endossent la robe écarlate. Le nom d’une Servante est en fait composé d’un article possessif et du nom du Commandant qui l’accueille. Lorsqu’elle change de maison, elle change de nom, reprenant celui de la Servante qui l’a potentiellement précédée. Ces femmes n’ont donc aucune existence propre et sont ainsi facilement interchangeables. Bien sûr, elles n’ont pas accès à la propriété, pas le droit de s’informer et aucun loisir ne leur est accordé : se faire surprendre en pleine lecture peut leur valoir une main coupée.

Defred fait partie de la première génération de Servantes. C’est pour elles que ce sera le plus difficile, leur ont expliqué les Tantes au Centre Rouge. Les suivantes en souffriront moins, cela leur semblera normal.

On ne sait pas grand chose d’elle, si ce n’est qu’elle avait une petite fille et un compagnon dans des temps pas si lointains, mais dont elle a été séparée depuis. Une meilleure amie, devenue Servante elle-aussi. Parfois, elle se rappelle ce qu’était leur vie avant que tout bascule. Avec parfois plus de criticisme que de nostalgie. Comme si la propagande du régime actuel commençait à la convaincre, alors qu’elle en est la première victime.

On ne sait pas non plus grand chose du régime de Gilead, si ce n’est la violence et la répression dont il use et abuse pour s’imposer. Tout est vu, entendu et vécu par le seul prisme de notre héroïne anonyme. Le plus souvent avec un étonnant détachement, ébranlé parfois par de très furtives pensées suicidaires.

La Servante Écarlate est un roman touchant, marquant, effrayant. Il en appelle page après page à notre vigilance et nous rappelle que le monde que nous connaissons n’est pas figé. Que la sécurité et la liberté ne sont jamais définitivement acquises.
C’est un roman qui serre le cœur et laisse son empreinte. En tant que femme, il est d’autant plus difficile de considérer cette histoire comme un simple divertissement, et non comme un avertissement, une épée de Damoclès menaçant chacune d’entre nous.

Le plus glaçant restant toutefois cette phrase de l’auteure dans la postface : « Je m’étais fixée une règle : je n’inclurais rien que l’humanité n’ait pas déjà fait ailleurs ou à une autre époque ».

2 commentaires sur “La Servante Écarlate : quand les femmes sont dans le rouge”

  1. Depuis le temps que je vois passer des images de la série, et avec le petit coup de pub qu’en avait fait Emma Watson, j’étais curieux de savoir de quoi il s’agissait.

    Ça fait froid dans le dos 😮

    Je crois que je vais éviter de lire le bouquin pour le moment. Je vais me préserver et rester sur WoW, c’est à peu près pareil, mais en plus positif.

    1. J’avoue que je serais curieuse d’avoir le ressenti d’un homme sur cette histoire. J’ajouterais que le roman n’est pas déprimant en soi. Au contraire, puisqu’il nous fait apprécier ce qu’on a et qu’on ne voit plus : liberté de mouvement, de parole, de pensée…

      Ceci dit, dans WoW, on peut faire des trucs encore plus cools, donc je comprends ton choix.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.