Riche fin d’année pour les amateurs de Star Wars, The Mandalorian sur Disney+, Jedi Fallen Order sur console et nous vivons désormais dans un monde où l’épisode IX d’une des sagas les plus connues du septième art est visible.
C’est donc l’Ascension de Skywalker que nous évoquons aujourd’hui, en esquivant tout spoiler, naturellement.
Ce billet risque d’être un peu maladroit, parce qu’il s’inspire en grande partie du travail des scénaristes de cette nouvelle trilogie : c’est fait à l’arrache et sans penser plus de deux lignes à l’avance.
Oups, voilà, j’étais tout calme et l’agacement pointe, je m’égare.
Rapide tour du propriétaire, je considère que quiconque lit ces lignes a vu jusqu’à Star Wars VIII. Si ce n’est pas le cas, ne continuez pas la lecture.
Pour rappel, Les Derniers Jedi, aussi décrié ou apprécié soit-il, tentait des choses, une déconstruction du mythe, un chemin alternatif au Réveil de la Force dont les enjeux étaient peut-être trop convenus ou sages. Un certain nombre de points, à la fin du VIII, étaient (semblait-il) fixés, définitifs et il allait falloir faire avec. Pour être tout à fait honnête, malgré l’affection que je porte à cet épisode, j’ai pertinemment conscience que quiconque passait derrière allait en baver pour raconter quelque chose avec ce qui était arrêté par Johnson.
C’est à J.J. Abrams, maître d’œuvre du Réveil de la Force, qu’est revenue la tâche de réaliser ce neuvième épisode et point final (pour le moment) de la saga Star Wars au cinéma. Soyons honnêtes, j’avais vraiment adoré son épisode VII et il reste parmi mes préférés dans mon top perso. Pour autant, je n’étais pas rassuré, Abrams proposait un épisode moins audacieux, plus formaté, moins entreprenant que Johnson. Ce dernier offrant un film très décrié, je subodorais un épisode 9 assez conventionnel et offrant au spectateur une conclusion sans grande subtilité.
Sache, lecteur, que je me trompais.
J’étais en fait à mille lieux d’imaginer à quel point ce que je pensais n’était qu’un euphémisme de la froide réalité. L’Ascension de Skywalker est un mauvais Star Wars, pire, il est devient un cas d’école triste de ce qu’il ne faut pas faire quand on annonce une trilogie… sans n’avoir rien préparé à l’avance.
C’était quelque chose qui transparaissait évidemment dans le VIII, on voyait bien que toutes les questions posées par Abrams n’avaient aucune réponse de définie et Rian Johnson a proposé une sortie (que j’estime bienvenue) à la plupart d’entre elles, offrant au IX une liberté potentielle bien que difficile à gérer. En l’espèce, le petit groupe survivant tenant dans le seul Faucon Millenium à la fin du VIII est une métaphore évidente adressée aux successeurs : ok, ça s’annonce compliqué de prendre la relève, mais l’espoir est là, vous êtes libérés du carcan imposé jusqu’à lors, libérés des origines de Snoke ou de Rey, vous avez un vrai méchant Shakespearien en face, vous avez les coudées franches pour créer une histoire dont on ne dira pas qu’elle trahit l’œuvre originale ou qu’elle n’est qu’un remake du 4. Vous êtes libres.
Cette liberté semble désormais bien loin et atrophiée. Étouffé par deux visions contraires, le dernier film en date voit s’affronter l’héritage de Johnson et celui d’Abrams, bien décidé à reprendre en main les choses au mépris de son prédécesseur, et à continuer son histoire. Si on peut considérer que Johnson décidait de conserver un mystère (Snoke) ou d’écarter des points sans intérêt majeur (les origines de Rey), Abrams m’apparaît comme ayant été blessé par les initiatives de son collègue et a décidé de répondre de la façon la plus infantile possible, en remettant ses idées sur le tapis et surtout en les saupoudrant d’un fan-service facile qui nous réserve des rebondissements prévus comme des blagues depuis le VII.
Ainsi rien n’est trop gros pour Abrams qui nous sert un scénario peu inspiré à base de Mcguffin à débusquer ici, ou mettant en exergue la séparation du personnage de Rey et des autres là, à l’exception de Finn, et limitant son interaction avec eux et donc la construction du personnage. Quelques bons gros clichés bien lourdingues et téléphonés parsèment le film, le tout pour aboutir à un plot-twist relevant d’un épisode d’Amour, Gloire et Beauté. Perdu dans sa volonté de continuer son histoire mise à mal par Johnson, le besoin de faire revenir les fans déçus au bercail, et l’appel des autres à avoir ce qu’ils attendent, Abrams en oublie de raconter une histoire tangible et intéressante et enchaîne des scènes au rythme parfois curieux (l’inclusion des scènes de feue Carrie Fisher est parfois bien maladroite et flagrante et d’autant plus frustrante que ça devait être LE film de Leia initialement). Sans compter un montage qui fait se téléporter Finn depuis son poste de tir à la cabine du Faucon en une seconde, un nouveau pouvoir de la Force encore jamais vu.
Tiens en parlant de pouvoir, je tiens à dire que… Bon, disons que le VIII avait ouvert la voie et qu’il faut savoir apprécier le changement, mais ce film ressemble quand même beaucoup à une histoire d’enfant qui inventerait ses propres règles avec ses figurines. Alors certes, ça donne lieu à des scènes fortes et esthétiquement appréciables (seul point de Johnson qu’Abrams a essayé de vraiment intégrer dans sa réalisation, même si ça fait parfois forcé), mais ça bouscule quand même grandement les affirmations du VIII et surtout ça ajoute des choses jamais vues dans aucun autre épisode… Notamment ceux où on voit vaguement des jedis au top de leur gloire et leur puissance. Je concède que c’est expliqué plus ou moins adroitement par le film, mais bon, faut pas trop pousser Yoda dans les orties non plus.
Abrams multiplie les références aux autres épisodes, notamment en sortant du formol Lando Calrissian et un autre pilote que j’ai été ravi de revoir, même s’il ne s’agissait là que d’un caméo léger. Cependant, le message du IX est clair : fuck le VIII et ce qui a été dit. Un côté mauvais joueur qui rend donc l’épisode final bancal parce qu’il ne se construit artistiquement qu’en opposition au précédent et pour contenter (avec perte et fracas) toute la fan-base nocive qui râlait à l’époque.
Ouh, j’ai l’impression que je me répète alors passons à un autre sujet. Les acteurs, tiens. Adam Driver fait ce qu’il peut avec son Kylo Ren et quelques lignes de dialogues débiles, John Boyega m’est toujours bien sympathique, Oscar Isaac largement moins, Daisy Ridley fait ce qu’elle peut avec ce qu’on lui a dit de la personnalité de Rey. Bon, c’est passable dans l’ensemble, mais on sent bien les limites de cette trilogie qui n’a pas su bâtir des personnages aussi marqués que les précédents. Il y a là un décalage énorme avec les précédents films dont les héros resteront infiniment plus marquants. On parlera encore de la Princesse Leia, de Luke Skywalker, d’Han Solo, d’Obi-Wan Kenobi dans les décennies à venir. On ne mentionnera les noms de Poe (auquel on attribue à lui aussi une pseudo origine alors qu’on n’en avait rien à cirer – quel est l’intérêt de tout expliquer ?) ou de Rose qu’au bout d’un nombre considérable de claquements de doigts à essayer de les retrouver. Qui se souviendra du Général Hux face au Grand Moff Tarkin ? Et que penser des fameux chevaliers de Ren, dont je préfère taire tout commentaire de ma part pour éviter de tomber dans les insultes faciles?
Un mot sur les musiques dont je déplore qu’elles soient à nouveau le résultat du mode automatique de John Williams. Le thème de Rey est toujours agréable à entendre, mais il manque définitivement à cette trilogie une musique épique et forte comme la prélogie a su nous proposer. Ça se laisse écouter, on apprécie d’entendre des thèmes connus et récurrents, mais ça semble bien paresseux au regard de ce qu’on connaît du bonhomme. Je concède volontiers une amertume partiale exacerbée à la simple idée que Williams a annoncé que c’était là sa dernière participation à un film Star Wars, je ne peux pas m’empêcher de trouver que cet ultime fait d’armes est en demi-teinte.
De la même façon, déception sur les combats aux sabres qui n’auront rien eu d’aussi théâtral que dans la prélogie. S’ils sont honnêtes, ils n’ont rien de mémorables. D’autres affrontements ont lieu et ne présentent pas d’intérêt notable, c’est du vu et revu, une partie finale grisonnante pas toujours lisible… C’est fade.
Je crois… Je crois que je vais devoir m’arrêter. J’ai l’impression qu’il y aurait encore mille choses à dire, sur ce qui ne va pas dans cet épisode intrinsèquement, mais aussi au sein de la trilogie, et de l’épopée Skywalker (sans parler de ce qu’il dit sur le cinéma hollywoodien de façon générale). C’était l’occasion de proposer quelque chose qui s’assumait comme différent, il n’en fut rien. Concluons en disant que l’appât du gain a poussé Disney à annoncer une trilogie complète à peine la vente de la licence actée (à prix d’or), et, confondant vitesse et précipitation, il est désormais très clair que la trilogie VII-VIII-IX, malgré des qualités évidentes, est la plus déséquilibrée des trois. Je ne doute pas que d’autres films verront le jour, je souhaite simplement que ceux-ci soient plus préparés et réfléchis avant d’être annoncés et élaborés au petit bonheur la chance à chaque fois. La galaxie lointaine, très lointaine mérite mieux.