Nos aventuriers rentrent dans une grotte. L’un des personnages fait remarquer qu’ils sont plongés dans l’obscurité. Le pervers du groupe lui répond qu’il n’a pas besoin de lumière pour dresser son étendard. Ni le joueur, ni le personnage ne sait que répondre à ça ou le rapport avec la première phrase.
Le joueur, c’est moi. Et quand, dépité, j’ai raconté cette scène à un ami, il m’a dit « Quand même, c’est pas tous les jours qu’on a l’occasion d’entendre ça dans un jeu. »
Drakengard 3 est un mauvais jeu. A tel point qu’il rentre presque dans la catégorie indéfendable. Si l’on sépare et qu’on analyse tous ses aspects, il n’y en a pas un pour sauver l’autre.
Et pourtant…
Avant d’arriver à la suite de ces « … » qui titillent votre curiosité et sachant très bien que vous êtes des gens respectables et respectueux qui ne sauteront pas les paragraphes qui suivent pour atteindre la conclusion, il me semble tout de même nécessaire d’aborder Drakengard 3 sous tous les angles.
Commençons par le commencement et décortiquons le titre « Drakengard 3 ».
1) Drake
2) ‘n
3) Gard
4) 3
Titre, ma foi, assez complexe à interpréter sans avoir quelques clés. Heureusement, nous avons internet sous la main.
1) D’après Wikipédia, « Drake » est un rappeur, chanteur et acteur canadien né le 24 octobre 1986. Pour la petite histoire, lors de sa naissance (celle de Drake), la Reine Elisabeth II La Revanche est la première souveraine britannique à effectuer un voyage officiel en Chine.
2) ‘n est une abréviation utilisée par nos amis d’Etats Unis d’Amérique pour prononcer et écrire plus rapidement le mot qui n’en avait pourtant nullement besoin « and ». « And » signifie « et » en français, on le retrouve dans des titres d’œuvres célèbres telles que Rick and Morty ou récemment le très attendu The And is Nigh
3) Encore d’après Wikipédia et grâce aux recherches d’explorateurs audacieux, on sait que le Gard est un département français situé dans la région Occitanie. Ne m’en demandez pas plus, je ne comprends même plus ce que j’écris.
4) 3 : la suite de 2. La préquelle à 4. Aussi utilisé dans des expressions comme « Jamais 2 sans 3 » ou en mathématique pour répondre à la question « 5-2 ? ».
« Le rappeur et le Gard 5-2 » donc ou « De l’usage des mathématiques par un rappeur en Occitanie ».
Un sacré programme.
Drakengard 3 est donc la suite de Drakengard 1 et Drakengard 2. Nous reviendrons peut-être dessus dans un prochain article car j’ai bien l’intention de relancer le 1er et découvrir le 2ème, mais quelques mots tout de même histoire de poser le contexte.
PFIUUUU KZZZZZ TCHAC TCHAC FUUUUUUU (Bruitages de dingues, on a du sacré budget sur le nouveau site)
Séquence faille spatio-temporelle, puisque ça me prend trois semaines d’écrire un article. Depuis l’écriture de ces lignes, j’ai terminé Drakengard 1 et pas mal joué au 2, on va donc finalement en parler. J’aurais pu tout aussi bien modifier et supprimer les lignes précédentes, mais la blague de la faille spatio-temporelle est tellement plus amusante.
Drakengard premier du nom sorti sur PS2 est une purge abominable à jouer (une sorte de muso du pauvre…oui). Le jeu se découpe vraiment en trois phases de jeu : les faciles, dans les airs où l’on contrôle notre dragon dans une sorte de rail-shooter. Les relous où l’on contrôle encore notre dragon mais à basse altitude pour incendier les troupes ennemies. Et enfin les phases à pieds dans lesquelles on matraque le bouton « carré » sans précision dans des zones un peu ouvertes. Dans les trois cas, on delà des quelques moments de frustration que l’on peut ressentir dû à l’absence de précision ou à cause de la distance d’affichage ridicule ou encore à cause de la caméra un peu alcoolisée, on s’ennuie fermement.
Cependant, il propose déjà différents angles de caméra et phases de jeu qui feront l’originalité plus tard de Nier. Oui, parce que je ne l’ai pas encore dit, le créateur de Drakengard est le désormais célèbre Yoko Taro, le scénariste et game designer ambitieux du diptyque Nier. On a donc un jeu horrible mais dont il se dégage déjà quelques idées et surtout un scénario terriblement sombre avec des personnages torturés, malsain, le tout dans une ambiance pessimiste et glauque. Tellement glauque d’ailleurs, que visuellement, le titre utilise à peu près quatre teintes de gris et de marrons pour varier ses environnements. Oui, parce qu’en plus c’est franchement moche. Notre troupe d’aventurier est constitué entre autres d’un tueur sanguinaire, d’une cannibale et d’un pédophile. Bref c’est nul mais intéressant. Pas intéressant à jouer par contre, non, si vraiment vous voulez en savoir plus, regardez un résumé de l’histoire sur le net.
Savourez la musique au passage.
Drakengard 2 un peu l’épisode mal-aimée (dans une saga, elle-même pas bien géniale) et c’est en grande partie dû à l’absence de Yoko Taro dans le développement du titre.
PFIUUUU KZZZZ TCHAC Etc.. Laissez-moi être l’avocat du diable, j’y ai joué finalement. Drakengard 2 est vraiment considéré comme le pire épisode de la saga, et…c’est surement mon préféré. Ou en tout cas celui que je considère objectivement comme le meilleur. Techniquement, c’est le plus honnête. Visuellement, c’est plutôt correct, et on a enfin le droit à des couleurs plus vives. Encore aujourd’hui, c’est l’épisode le plus joli à voir (oui, plus que le 3). Quant au gameplay, il reprend les différentes phases du premier mais les fluidifie. Tout est beaucoup plus agréable à prendre en main. Résultat, Drakengard 2 n’est plus chiant et frustrant comme son ainé mais juste chiant, et mine de rien ça fait une sacrée différence.
Le reproches viennent de l’univers et de l’histoire. Yoko Taro n’ayant pas travaillé sur le jeu et la jaquette affichant fièrement son PEGI 12, on comprend aisément que Drakengard 2 est loin d’être aussi torturé que le premier. On se retrouve même dans un univers d’heroic fantasy d’un classicisme absolu, dans la peau d’un héros tête à claque niais. C’est dur pour la saga. Malgré tout, ce contexte lambda permet quand même au jeu de faire quelques bons rebondissements passé la moitié de l’aventure. Ça prend le joueur un peu en contre-pied, ça relève le niveau de l’histoire et ça fait de jolis clins d’œil au premier. On est loin des malaises de ce dernier, mais on est heureux de découvrir que Drakengard 2 sait aussi être une suite digne.
Tout n’est donc pas à jeter, loin de là. Malheureusement, Drakengard 2 est beaucoup trop long. Chaque évolution dans le scénario est entrecoupée de phases de jeu qui n’ont pas forcément de liens et qui sont là pour étirer l’aventure de façon peu élégante.
Ce qui nous amène à Drakengard 3. Episode attendu au tournant puisqu’il signe le grand retour de Yoko Taro, qu’il sort non pas sur PS2 mais PS3 (en 2013, c’est quand même mieux) et surtout qu’il arrive après Nier qui a réussi à prouver que ce cher Yoko pouvait, au-delà du propos, faire un bon jeu.
Eh ben… C’est raté.
Honnêtement, je ne sais pas pourquoi ce jeu existe. Est-ce une commande de Square Enix ? Dans ce cas pourquoi le jeu a-t-il eu si peu de budget ? Est-ce une volonté de Yoko Taro ? Je ne pense pas non plus tant l’écriture est maladroite.
L’écriture tiens, on a eu droit à l’épisode sombre et malsain puis à la suite colorée et niaise, voici pour conclure, un opus bête et grossier.
Prequelle nous mettant dans la peau d’une forme de magicienne (Zero) qui a pour but d’éliminer ses sœurs (One, Two, Three, Four, Five… Pourquoi s’emmerder ?) à l’aide de son dragon, le jeu essaye sans cesse de faire de l’humour.
D’une part avec ses personnages, avec une Zero dont l’attitude est très similaire à Kainé dans Nier (je m’en foutiste qui envoie bouler tout le monde) ; en passant par le dragon Mikhail, enfant bêta dont on aura la chance de le voir faire ses besoins deux ou trois fois dans l’aventure.
Enfin, à travers nos compagnons masculins : esclaves sexuels des invocatrices qui ont tous un trait de caractère traité de façon élégante (un sado-maso ou un vieux pervers, je vous laisse imaginer).
Les tentatives d’humour ne s’arrêtent pas là. Entre les faux game over, les situations absurdes et la prise de conscience de certains personnages. Bref il y a du méta. Sauf que dans un jeu d’une telle médiocrité, faire de l’humour méta, c’est rarement une bonne idée (regardez Deadpool par exemple).
Ceci étant, il m’est arrivé de sourire quelques fois. C’est l’effet shotgun : statistiquement, il faut bien que le tir fasse mouche quand on essaye autant. Mais ça vient peut-être aussi des rares qualités du titre, à savoir son rythme bien maîtrisé pour peu qu’on ignore les missions annexes, et de temps en temps sa narration.
Pour cette dernière, elle est franchement classique. Sauf que l’aventure passe son temps à faire dialoguer les personnages entre eux et que les dialogues soient de qualité ou non, mine de rien, ça rend la progression très vivante. Même les ennemis qui sont tous des clones les uns des autres ont droit à quelques discussions, apeurés à l’idée qu’on arrive.
C’est loin d’être révolutionnaire, mais ça créé une cohérence. Idem pour l’intégration des différentes fins qui se fait à travers un personnage intriguant qui voyage entre les différentes dimensions.
Bref, c’est un compliment peu valorisant mais c’est le meilleur que je puisse faire : Drakengard 3, ça se fait.
Même le gameplay ultra simpliste (un beat’em all limité dans des couloirs) aurait pu être correct sans les soucis techniques.
Et là on aborde les sujets qui fâchent. On ne va pas se mentir, jusqu’à présent on n’était pas vraiment en train de parler du BGE, non plus, mais on pouvait encore limiter les dégâts. Le fait est que Drakengard 3 est le jeu le plus mal fini que j’ai pu voir ces dernières années. Et pourtant, hein, j’en fais des jeux terminés à la truelle.
Visuellement, c’est moche. Vraiment. Les textures sont floues, on trouve des zones où elles sont même inexistantes. Le titre est bourré d’aliasing. Et tout ça n’est pas rattrapé par la direction artistique qui, si elle évite d’être aussi austère que celle du premier, demeure diablement quelconque. Que ce soient les environnements ou le bestiaire.
Le pire, pourtant (non parce que jusqu’à présent ce n’était pas grandiose mais bon, on fait avec ce qu’on a) c’est le framerate. N’espérez jamais atteindre les 30fps. Le jeu oscille entre 25 maximum et tombe à 5 dès la moindre étincelle (ce n’est pas grave, ce n’est pas comme si c’était un jeu avec un drag…eeet merde) transformant l’aventure en roman photo même pas joli. Un scandale, je vous dis.
Tel un cadavre qui réussit encore à gigoter grâce aux vers qui lui tripotent le système nerveux, Drakengard 3 a tout de même un élément à défendre : ses musiques.
Composées par … (si les trois petits points sont encore là, c’est que j’ai oublié de me relire et d’aller retrouver le nom du compositeur avant de poster) à qui l’on doit évidemment les splendides musiques de Nier et de Nier Automata, elles sont ici plus classiques (et pas toujours parfaitement utilisées) mais efficaces malgré tout. Une semaine après terminé l’aventure, je me surprends à avoir quelques thèmes en tête.
Keiichi Okabe. Le compositeur, c’est Keiichi Okabe. Quand même, pour qui me prenez-vous ?
De même, les doubleurs font du bon boulot, le problème venant plus de l’écriture. Petite anecdote rigolote au passage, les dialogues de Zero sont légèrement différents en japonais et en anglais mais juste assez pour complètement changer l’attitude du personnage. En version US, Zero est agressive et grossière alors qu’en Japonais elle est plus distante et renfermée. C’est une pratique un peu stupide mais fort heureusement vous pouvez tout à fait télécharger les voix japonaises sur le PSN… Mais au prix de 5 euros. Hahaha, je vous avais bien dit que c’était rigolo.
L’heure de conclure est donc arrivée (18h54, on est jeudi, je suis bloqué dans le métro) et bien sûr la question se pose : Est-ce que je vous conseille Drakengard 3 ?
…
Quoi ? Mais non ! Vous n’avez rien lu de ce que j’ai écrit précédemment ? Evidemment que non, je ne vous conseille pas ce jeu ! Comment le pourrais-je ? C’est de la merde ! Ne le faites jamais ! Ne soyez pas con ! Réfléchissez deux secondes ! Ne soyez pas comme moi ! Jouez à des bons jeux ! Jouez à The Witcher 3, à Yakuza, à Zelda, à Metal Gear, mais jamais à Drakengard 3.
On a l’impression que je m’énerve la tout de suite mais pas du tout (en vrai là dans le métro j’ai envie d’achever la personne qui vient de faire son malaise voyageur mais c’est une autre histoire). Je vous conseille juste d’utiliser intelligemment votre temps, il est précieux.
Et si malgré tout, vous êtes de ceux à apprécier un bon maréthron, à savoir l’enchaînement de jeux dont la qualité peut varier de médiocre à étron, alors vous pouvez envisager Drakengard 3.
Mine de rien dans la catégorie des étrons, c’est plutôt une bonne pioche. Je m’explique. Réunissons dans la même catégorie les jeux chiants (dans le sens « dans lesquels on s’ennuie », pas forcément toujours mauvais), les jeux mauvais et les jeux mauvais et chiants.
Dans la première catégorie, on peut ranger les Horizon, les Hellblade, ou les Nioh pour se cantonner à 2017. On s’y ennuie, parfois salement, mais globalement ce n’est pas que des mauvais moments et l’aventure est assez bien finie pour qu’on ait du mal à l’incendier bêtement. C’est la catégorie des petits malins. On n’appréciera pas forcément l’aventure mais au moment de faire le bilan, on réalisera que le gameplay était pas mal, la DA jolie et le scénario avait ses bons moments. On pourrait considérer que Drakengard 2 a sa place ici, en étant gentil.
Dans la seconde catégorie, plus rares, on trouve des jeux vraiment nuls comme Tomb Raider 2013, Yakuza Dead Souls, Assassin’s Creed Rogue, Lords of Shadow 2 ou encore Hitman Absolution mais dans lesquels on ne s’ennuie pas. On rage, on peste, on hallucine mais l’ennui n’est pas de la partie. Avec un peu de jugeote, vous pouvez déduire que je placerai Drakengard 3 ici.
Enfin, la troisième catégorie, réuni tous les jeux nuls et chiants. C’est la catégorie des moins malins qui font des jeux ratés mais même pas drôles. Bien plus nombreux, on y trouve par exemple Mass Effect Andromeda, Dying Light, Far Cry Primal, Sherlock Holmes The Devil’s Daughter, Batman de Telltale,… Et j’en passe, surement des pires. Je regrette un peu de devoir mettre Drakengard 1 dans cette case mais les faits sont là. Malgré son écriture atypique, on s’ennuie et c’est vraiment nul à jouer.
Ainsi donc notre saga bien aimée se trouve dans les trois catégories en même temps. Bravo à elle. Vous comprendrez donc aisément que si vous voulez faire un mauvais jeu, je vous conseille le 3, plus que les deux autres. En effet, Drakengard 3, c’est la petite pépite sur laquelle on espère tomber en lançant un maréthron, c’est nul, mais ça distrait. Et d’après un petit sondage proposé sur Twitter récemment, vous semblez être de mon avis : un jeu nul vaut toujours mieux qu’un jeu chiant.
M’enfin sinon, les bons jeux c’est pas mal aussi.
Tout ça pour dire, avec un peu de recul, un peu de réflexion et beaucoup de calme, les malaises voyageurs de 30 minutes dans le métro c’est vraiment pas top. Drakengard 3, ce n’est pas top non plus. Mais le fait d’y avoir joué et d’avoir pu y réfléchir dans le métro, c’est déjà ça.
Eh ben tu m’as donné envie de rejouer à Nier Automata et à Yakuza. C’était pas difficile en même temps.
Par contre arrête d’être aussi drôle quand t’écris stp, c’est relou.
😀 Bisous
Tu re-verras, ce sont vraiment de supers jeux !
Alors voilà. J’ai rigolé en lisant l’intégralité de l’article.
Les mauvaises langues diront que je suis trop bon public, les vrais sauront que c’est parce que cet article était vraiment excellent ! 🙂
PS : Je ne jouerai pas à ces jeux, merci à toi.
PPS : Horizon, on s’y fait quand même bien chier, en effet.
On s’y fait chier mais quand même le gameplay était pas mal, la DA jolie et le scénario avait ses bons moments. Un ptit malin j’vous dis.
Et merci 😀 Heureux de t’avoir amusé !