Silent Hill : Une licence culte ?

Silent Hill : Une licence culte ?

A l’occasion de la sortie du dernier épisode de la saga Silent Hill, intitulé sobrement « f« , c’est le moment parfait pour faire un petit tour d’horizon de la licence de Konami et de vous en livrer mon ressenti après un cycle (presque complet) d’il y a un an.


Quel joueur je suis ?

En préambule, il est, je pense, important de contextualiser qui je suis et mon rapport avec le JV et à Silent Hill.

Pour faire simple, je me considère comme un joueur casu ++. C’est-à-dire que je n’ai aucune expertise en ce qui concerne ce média. Je n’ai aucun talent particulier en termes de skill, je n’ai pas plus de connaissances que ce que je peux lire sur internet et je n’ai pas d’autres attraits pour les jeux vidéo si ce n’est celui d’aimer jouer et aimer découvrir de nouvelles choses, mais ça, ça vaut pour toute la fiction en général.
Pour moi, le JV est avant tout un moyen de découvrir des univers, des lore, des personnages et de vivre à travers eux des scénarios dans lesquels je pourrai m’impliquer, grâce à eux.
Comprenez par là que pour moi le gameplay est “annexe” dans 90 % des cas où je lance un jeu. Alors attention, il faut que ça soit jouable, mais si m’en sortir et avancer consiste uniquement à esquiver tous les ennemis qui se présentent à moi, ce n’est pas très grave.
Pour aimer un jeu, j’ai besoin de croire en son monde et surtout en ses personnages.

Mon rapport initial à Silent Hill, c’est un Nathan ado de 12/13 ans qui, quand vient le week-end, se pose devant la télé cathodique du salon de chez sa maman, alors que tout le monde est couché, et lance Silent Hill en se disant “tiens, je vais me faire peur”. Donc me voilà sur une chaise pas très confortable face à la télé, assez proche, car entre le câble de la manette PS1 et celui du casque audio que j’arbore fièrement, le canapé familial est bien trop loin.
Je coupe toutes les lumières et c’est parti pour un moment d’angoisse ultime.
30 minutes plus tard et après avoir mis pause 15 fois, le tout en regardant régulièrement derrière moi, persuadé de sentir une présence, je rallume la lumière et débranche le casque pour continuer mais de manière plus sage l’expérience.
Ça a été, je pense, ma première expérience de réelle peur devant une œuvre culturelle.

Par la suite, j’ai fini le jeu plusieurs fois pour avoir toutes les fins en m’aidant d’un guide acheté chez un marchand de journaux mais mon expérience de la licence SH s’est arrêtée là. Probablement du fait qu’à la sortie du 2, c’est aussi la période où je me suis plongé dans les RPG, les jeux d’action-aventure et que, ne pouvant pas acheter un jeu quand je le voulais, car déjà à l’époque il fallait faire des choix.
J’avais pu voir le 2 et le 3 chez un ami mais rien qui m’ait donné envie de passer à la caisse ou même de me le faire prêter.
Mon temps sur Silent Hill 1 m’avait plu, mais je n’avais pas forcément envie de plus.

Et donc me voilà il y a un an, après un marathon l’année d’avant sur Resident Evil qui m’avait beaucoup plu, je me dis tiens, ça serait intéressant de faire la même avec la licence concurrente, sachant qu’en plus, Konami, qui se rend compte que les gacha n’ont plus autant la cote qu’avant, essaie tant bien que mal de revenir sur la scène vidéoludique avec notamment cette licence en multipliant les projets “transmédias” et, entre autres, la sortie d’un remake de l’épisode 2 pour la fin d’année 2024.
Les étoiles sont toutes alignées, il est temps de découvrir ce qu’est réellement cette licence et ce qui justifie sa remise en avant 10 ans après le dernier épisode sorti.

Qu’est-ce que Silent Hill ?

Mais avant de parler de mon expérience, qu’est-ce que Silent Hill ?

Silent Hill est une licence de jeux vidéo rangée dans la case des Survival Horror dont le 1er épisode est sorti en 1999. Voilà, avec ça on est bien avancé.
Mais Silent Hill, de quoi ça parle ?

Eh bien, on commence déjà à toucher un problème. À mes yeux, la saga Silent Hill n’a rien de cohérent.
On passe d’épisodes qui se répondent à des épisodes qui n’ont rien à voir les uns avec les autres.
Quand tu lances un épisode, tu ne sais pas à l’avance si tu vas avoir un jeu qui répond à des questions d’un précédent opus, ou si on va te “raconter” une toute autre histoire mais qui se déroule à Silent Hill (ou proche de Silent Hill).

Et de ça découlent plusieurs problèmes.
Le 1er : quelles sont les règles de ce monde ?
Silent Hill, 1er du nom, nous explique, globalement, que Silent Hill est construite sur un cimetière indien ce qui lui donne des propriétés particulières comme celle d’être une sorte de porte vers l’enfer d’où on pourrait faire naître un dieu malfaisant avec un petit culte par-dessus. De fait, le monde de Silent Hill peut évoluer en fonction des traumas de certains persos, présent en l’occurrence ici Alessa. Tout ce qu’on croisera dans Silent Hill viendra de l’esprit d’Alessa.
Base qui est reprise dans Silent Hill 3 et Origins où l’on incarne pour l’un la “fille” de Harry, protagoniste du 1er, et l’autre où l’on y découvre comment le rituel initial avec Alessa, qui devait servir à invoquer le dieu, a échoué et donc pourquoi Silent Hill 1 et 3 existent.
Ici, on a donc affaire à une notion religieuse, démoniaque, mais avec des explications plutôt simples de ce qu’est Silent Hill, et les raisons pour lesquelles les persos y vont sont plutôt logiques. Au même titre que Silent Hill 4, même si non lié directement aux autres épisodes, il conserve les notions de culte/secte,…

Par contre, les autres épisodes que j’ai faits mettent de côté ou même oublient ces aspects et on passe à des explications plus mystérieuses et j’irai jusqu’à dire qu’on nous laisse sans explication. Un aspect qui personnellement me dérange mais j’y reviendrai plus tard.

Du coup, de quoi parlent les autres Silent Hill?
Silent Hill 2 parle de la quête d’acceptation de Harry qui a tué sa femme.
Homecoming parle de la quête d’acceptation d’Alex qui a tué son frère.
Downpour parle de la quête d’acceptation de Murphy qui a indirectement conduit au meurtre d’un surveillant pénitentiaire.
Silent Hill The Short Message parle de la quête d’acceptation d’Anita qui a poussé au suicide une camarade de classe.
Vous voyez venir le deuxième problème ?

Donc, quand Silent Hill ne parle pas de secte et de démons, ça parle d’une quête de rédemption et c’est TOUJOURS pour la même chose.
Très honnêtement, il n’y a pas d’autres traumas possibles à essayer d’explorer ? Il n’y a pas assez de sujets possibles pour qu’on doive se retaper à chaque fois le même plot et le même twist final (on reviendra sur les twists). Est-ce qu’un personnage est obligé d’avoir « mal » agi pour être traumatisé ?

De plus, ce qu’on trouve à Silent Hill est censé venir de l’esprit perturbé d’une personne présente. Sauf qu’un coup on te dit qu’une personne influence toute la ville (Alessa dans le 1er), mais dès le 2e on apprend que chaque personne ramène ses traumas et donc ne voit pas la ville de la même façon. Du coup, quid de Pyramid Head qui revient ? Quid des infirmières qui reviennent ad nauseam ?

Donc si on résume déjà la licence, on identifie 2 gros problèmes.
La licence a le cul entre 2 chaises : entre un Silent Hill régi par des règles (le culte, les démons,…) et un Silent Hill qui serait une sorte de purgatoire pour des personnes ayant tué directement ou indirectement un proche.
Sauf qu’à mes yeux, dès la fin du développement du deuxième épisode, il aurait fallu acter que ça y est, la licence Silent Hill est une anthologie qui a comme base une ville dans un cadre style Ozark (station balnéaire autour d’un lac) et qui aurait pu permettre de traiter des thèmes différents et même des styles horrifiques différents.
Et l’autre problème, c’est que même quand ils ont tenté ça avec les épisodes non liés au 1, ils n’ont pas été foutus d’être inventifs et ils nous ont ressorti quasiment les mêmes enjeux et surtout les mêmes structures.
Dès l’épisode 3, la licence tournait déjà en rond. Parce qu’entre ses environnements (coucou l’hôpital) qu’on avait déjà vus 2 fois, ses ennemis dont on a l’impression de croiser toujours les mêmes et qu’en plus on répétait déjà des gimmicks de narration.

Et en parlant de narration, je vais continuer cette analyse avec une sorte de cas pratique en prenant comme base Silent Hill 2.

Que nous raconte SH2 ?

On nous raconte l’histoire de James, qui revient à Silent Hill après plusieurs années alors qu’il a reçu une lettre de sa femme Mary, décédée depuis 3 ans.
Elle lui demande de la rejoindre dans leur « endroit spécial ». Spécial car c’est leur dernier moment heureux ensemble. James va donc chercher sa femme et essayer de comprendre comment il est possible qu’elle lui ait écrit.

De là, James va croiser d’autres personnages attirés par SH d’une façon ou d’une autre, eux aussi en quête de réponses.

Même si les histoires parallèles à celle de James peuvent avoir un intérêt, je veux cependant m’attarder sur celle de James. Pourquoi, me direz-vous ?
Eh bien parce que c’est le personnage que l’on incarne.

Au fur et à mesure du jeu, on va traverser des environnements (les appartements, l’hôpital, la prison, le labyrinthe) et on va en apprendre de plus en plus sur les personnages que l’on croise, mais très rarement sur James, et pour ainsi dire jamais.

Alors si, on croise Laura, qui nous déteste et qui connaît Mary car elle a été hospitalisée en même temps qu’elle. On croise Maria, une sorte de double de Mary mais dans une version plus “avenante”, qui se fait tuer en boucle par Pyramid Head.

Et vous voyez, c’est en écrivant ces lignes que je commence à comprendre ce que le jeu a tenté de m’expliquer par ces événements.
Alors peut-être que ça vient de moi, ou peut-être que ça vient du fait que je l’ai fait en stream, mais sur le moment, et même longtemps après avoir fait le jeu, pour moi tout ceci n’était pas suffisamment clair sur l’interprétation que je pouvais avoir de ce que le jeu, tout du long, a essayé de me raconter.
Parce qu’en vérité, il n’a pas grand-chose à raconter. Et il est, à mes yeux, bien trop cryptique dans ses représentations pour que le chemin dans mon esprit se fasse vers le twist final, qui n’est lui aussi pas clair du tout.
Alors une fois de plus, ça vient peut-être de moi, mais à quel moment, quand je vois une vidéo (quali PS2), qui se permet d’être floue et cut, sans aucun son si ce n’est celui du bruit de la neige typique d’une cassette vidéo endommagée, bref, à quel moment, sans que James ensuite nous dise “je l’ai tuée”, je suis censé comprendre ça en regardant cette vidéo ?
Et je vous jure, revoyez la vidéo en essayant d’oublier tout ce que vous savez de l’histoire du jeu.
Je suis désolé mais moi, il me faut des choses plus tangibles. Et même vis-à-vis de James, à mes yeux, il lui fallait un réel électrochoc. Pas ce gloubi-boulga d’images et de sons qui ne révèlent rien. Il fallait mettre son acte violent face à lui et de façon tout aussi violente.

Je trouve que l’histoire de James est survolée, la narration trop éclatée et sans fil conducteur, ou du moins trop métaphorique, pour que sur moi le chemin se fasse tout au long du jeu pour qu’au moment du twist, il se passe quelque chose.
Je ne sais pas mais, le jeu aurait pu m’emmener sur une mauvaise piste en faisant passer James pour le mari idéal, qui veut à tout prix retrouver celle qui l’aime et qu’il a perdue. Là, j’ai suivi un personnage qui a erré dans la ville sans vraiment d’envie. Il doit retrouver sa femme mais il prend son temps. Je n’ai jamais eu l’impression qu’il avait vraiment envie de la retrouver.
Ou alors me distiller des infos, mais de façon plus récurrente et surtout de façon plus claire. Ça aurait pu se dérouler à l’hôpital par exemple. Par des rapports, des enregistrements, des vidéos… Tout cela, on l’a à la fin du jeu. Je pense qu’en avoir tout du long aurait été plus pertinent. (Exemple : l’enregistrement d’un médecin qui dit qu’ils ne pourront pas la sauver + le monologue de Mary dans le couloir de fin auraient pu avoir lieu ailleurs).

Surtout, de ce que moi j’ai compris, eh bien le message me dérange un peu. Clairement, la situation de Mary à la fin de sa vie est, de ce qu’on nous en explique, entre le “tue-moi” et le “James, ne me laisse pas”.
J’aimerais bien savoir dans quel état d’esprit elle était au moment de l’acte de James.
Parce que le jeu a tendance à le présenter, à mes yeux, comme un salaud qui n’aurait pas été auprès de sa femme quand elle en avait besoin, qu’il l’a laissée de côté, limite qu’il allait voir ailleurs parce qu’elle ne lui donnait pas ce qu’il voulait, etc. etc., et qui, “pour avoir la paix”, l’a tuée.
Pour moi, Mary demande à en finir, elle sent qu’elle est un poids pour lui, elle lui demande même dans sa lettre de fin de vivre sa vie comme il l’entend. N’est-ce pas là la demande d’en finir pour le libérer ?
Et du coup, pourquoi présenter James comme un mauvais mari ?
Est-ce que l’auteur n’a pas un problème avec le principe de l’euthanasie ?
C’est, à mes yeux, une explication plausible.

J’aime comprendre par moi-même et Silent Hill 2 ne m’a pas donné ça, ou du moins ce qu’il m’a donné ne m’a pas aidé à l’aimer.

Je ne rentrerai pas dans le débat de pourquoi c’est culte dans le contexte de l’époque, ne l’ayant pas fait à sa sortie et sans plus de recherches, je ne pense pas pouvoir réaliser ce que ça a été.

Conclusion?

Ce qui nous amène à un autre gros problème de Silent Hill et je conclurai avec ça : c’est cette façon de (ne pas) raconter les histoires et qu’en plus, les histoires soient globalement toujours les mêmes, mais avec des personnages différents, qui se sont avérés être de moins en moins intéressants au fur et à mesure des jeux.

Bref, j’ai peu aimé cette saga. Pour les problèmes que j’énonçais plus haut, qui sont la cohérence globale, revoir et revoir les mêmes bases de scénarios en boucle.
Et même l’épisode censé mettre tout le monde d’accord m’a laissé sur le côté.

C’est une licence qui aurait clairement pu créer quelque chose à part. Une sorte de Final Fantasy de l’horreur où chaque épisode est différent du précédent, que ce soit dans son gameplay, dans ce que ça raconte, dans ses personnages : bref, une anthologie de l’horreur où ils auraient pu faire venir des auteurs différents qui se seraient servis de cette licence pour jouer avec, et jouer avec nous.
Au lieu de ça, ça m’a clairement fatigué et m’a fait comprendre pourquoi cette licence était morte et, à mes yeux, devrait le rester, surtout quand on voit où ils sont partis avec Ascension et le remake du 2.

Je garderai en mémoire The Room et Shattered Memories, qui pour moi sont vraiment des cas à part dans la licence et qui montrent qu’on peut faire des choses avec ce matériau initial et même être sacrément créatif et novateur, même quand on remake un épisode.

Le futur

Ou du moins le présent de la licence se compose du Remake du 2 il y a un an, de la sortie de Silent Hill f ce 25/09/2025 et l’annonce du Remake du premier épisode par la Bloober Team.

Pour ce qui est du Remake du 2, on est clairement sur un remake graphique complet sans aucune prise de risque en choisissant l’opus le plus apprécié de la série afin de s’assurer des ventes, nouvelle politique de Konami qui réitéré cette année avec Metal Gear Delta (qui fonctionne).

Silent Hill f a l’air d’aller la ou je souhaite que la série aille, vers quelque chose de différent sous le nom de Silent Hill mais qui n’est lié en rien avec le reste de la série.

Enfin le Remake du 1 s’explique par le succès du Remake du 2. Il sera donc dans la même veine et, malheureusement, c’est oublier qu’il existe déjà un remake de cet épisode : Shattered Memories.

Bonus

2 commentaires sur “Silent Hill : Une licence culte ?”

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