Alors oui, je sais qu’on a beaucoup parlé de Ça dans le premier Klub Moutarde. Mais de un, je n’avais pas encore fini le tome deux, ce qui n’est plus le cas, de deux, je fais keskejveu, et de trois, il y a pas de trois. Voici donc ce que j’ai pensé de Ça.
Faisons un résumé pour les trois ermites du fin fond de l’internet qui se seraient perdus ici.
Ça prend place dans la petite ville de Derry, dans le Maine (ne cherchez pas, Derry existe autant qu’Arkham). L’histoire commence en 1957 lorsque George Denbrough, un jeune garçon, se fait tuer par un mystérieux clown caché dans les égouts. 27 ans plus tard, le meurtre d’un jeune homosexuel attise les curiosités : on aurait vu un clown se nourrir de son corps encore chaud alors qu’il dérivait dans le fleuve. En 1957, Bill Denbrough et ses amis du club des ratés feront tout pour arrêter Ça, la créature responsable de la série de meurtre sévissant à Derry. 27 ans plus tard, ils seront rappelés dans leur ville natale pour s’opposer une fois de plus à Ça.
Si j’ai volontairement construit mon résumé en alternant entre l’année 1957 et 1984, c’est parce que Ça est construit de cette manière. Si les adaptations cinématographiques de l’œuvre préfèrent faire un film sur les aventures des enfants, puis un autre sur la partie adulte, ce qui est obligatoire si on veut que les films aient un sens, les livres nous font vivre les deux époques en parallèle du début à la fin. C’est une manière de faire que j’ai trouvée très intéressante. Même si elle retire une grande part de suspens – on sait qu’un personnage ne pourra pas mourir enfant vu qu’il existe à l’age adulte – elle permet d’être assez vite attaché aux personnages. On voit comment ils ont évolué, ce qui leur reste de leur enfance, ou ce qu’ils ont laissé en chemin. Très vite cela donne de la profondeur aux personnages. Par ailleurs, le manque de suspens n’est pas vraiment un problème. Stephen King n’essaye pas souvent de nous surprendre. Même dans les chapitres où le sort d’un personnage nous est inconnu, très vite on sera fixé sur son sort. Soit parce qu’on nous annonce qu’il mourra dans son lit des années plus tard, soit parce que l’on nous dit qu’il vit sa dernière journée. Ensuite on prend le temps de nous décrire ses aventures. Bref, Ça n’est pas un livre qui nous fera « être sur les nerfs » durant notre lecture. Le livre préfère nous transporter tranquillement dans la ville de Derry pour, à la fin seulement, nous inquiéter pour de bon.
Il est d’ailleurs à noter que le roman comporte aussi des interludes. Passages durant lesquels on lira le journal de Mike Hanlon. Durant cette lecture on en apprendra plus sur l’histoire de Derry et sur les événements qui s’y sont déroulés avant que le club des ratés ne foule son sol. On y installe une sorte de mythologie et Derry prendra alors la place d’un personnage à part entière. Bien évidemment, ces passages n’apparaissent pas dans les films, ou alors on entend parler des événements qu’ils nous relatent très succinctement. Mais c’est là où je trouve que les films pèche : Derry n’est pour qu’un lieu alors que l’on nous fait comprendre que Derry est bien plus que ça dans l’œuvre originale. Le dénouement de l’histoire le prouvera d’ailleurs d’autant plus.
Autre particularité à noter dans la construction de l’histoire : rien, scénaristiquement, ne justifie la séparation en deux tomes. Si vous lisez Ça 1, vous devrez lire Ça 2. Le tome un ne résout rien. Sachez-le. Mais pour en revenir à l’aspect mystique de l’œuvre, je vais devoir spoiler, car cet aspect n’apparait qu’assez tard dans le bouquin. Donc, pour les allergiques aux divulgâchages, sautez le paragraphe suivant.
Autre point retiré des films : l’aspect mystique de l’histoire. Dans un monde où un clown vit dans les égouts d’une ville et mange les enfants, il n’est pas surprenant outre mesure que la « magie », ou tout du moins le fantastique, existe. Après leurs différentes expériences et recherches, les enfants vont comprendre que Ça ne peut être vaincu que par le rire, ou tout du moins, par le fait de ne pas le craindre. Il est en effet « logique » qu’un être qui prend l’apparence de la peur, soit vulnérable si vous n’avez pas peur de lui. Pour le combattre, le groupe de personnages ne rentrera jamais vraiment dans la confrontation physique. Les personnages affrontent Ça grâce au rituel de Chüd, une cérémonie décrite dans le livre mais qui se résume à un combat mental durant lequel les protagonistes vont pouvoir blesser Ça grâce à leur détermination. Durant ce rituel, Bill et Ritchie (les deux seuls personnages à combattre Ça de cette manière) sont comme expulsés de leur corps pour être envoyés jusqu’aux confins de l’univers. Derrière les frontières de ce dernier attend la véritable forme de Ça. Passer cette frontière et voir la véritable apparence du monstre signifiant un sort pire que la mort, les personnages montrent à Ça qu’il n’ont pas peur de lui durant leur voyage extra-sensoriel. Et c’est ainsi qu’ils le blessent, sur Terre, alors qu’ils sont à des années-lumière de leur corps. Dans le même temps, ils croiseront la tortue responsable de la création de l’univers… Vous l’aurez compris, King va loin. Très loin. Mais je préfère cette confrontation aux confrontations physiques que l’on peut voir dans les films car elle fait sens. Ça n’est vulnérable que si l’on est invulnérable à ses assauts. Bref j’ai aimé cet aspect du roman. Il permet de donner un énorme enjeu à la partie adultes, car les protagonistes eux-mêmes ne savent pas s’ils seront capables d’encore croire à la magie qui les a sauvés étant enfant.
Comment conclure cet article sur Ça (re-bienvenue aux allergiques au spoil !) ? Et bien tout simplement en disant que j’ai aimé ma lecture. Certains moments font froid dans le dos ou dégoûtent mais on a jamais envie de mettre le livre au congélateur pour ne jamais l’en ressortir. La galerie de personnages qui nous est décrite ainsi que la ville de Derry m’ont particulièrement plus. Il s’en dégage une atmosphère qui, bien qu’un peu angoissante (Derry ne donne pas vraiment envie d’y aller), vous donnera l’impression que vous connaissez cette ville comme votre poche. Le style est fluide. Le juste milieu entre la description et l’action est trouvé. Si jamais vous avez aimé les films, n’hésitez pas à y aller, vous serez content d’enfin faire la connaissance de Derry.
Live long and prosper et soyez sage !
La précision dégueulasse de Dark Foisse (spoil) : il y a une scène plus que troublante dans le tome 2. On l’a évoqué dans le Klub Moutarde. Oui, l’ensemble du club des ratés couche avec Beverly alors qu’ils sont encore enfant. Oui c’est une scène dérangeante, pour les personnages comme pour le lecteur. Là où c’est très fort, c’est qu’elle a une justification qui, je trouve, tiens la route. Alors oui, King aurait pu s’en passer ou trouver autre chose. Mais on ne peut quand même pas lui reprocher une scène dégueulasse totalement gratuite. Et vu la scène en question, c’est déjà pas mal.
Crédit photo : Kassiopeya